Juliette Fontaine est une artiste prolixe : films, performances, poésie, installations, pièces sonores…Elle a participé à la revue Pandore depuis l’origine : dans le n°2 Worstward Ho / Cap au pire, pièce sonore écrite à partir d’extraits de Samuel Beckett.
Dés ce premier envoi, m’apparaissait de façon évidente la singularité de son travail : des pièces atypiques, un univers de violoncelle, de montages, de sons, et surtout une voix, extrêmement singulière. Une force sensuelle, physique, qui bien qu’avec un tout autre langage, pourrait évoquer la délicatesse, la rudesse et la présence d’une PJ Harvey dans ses Four-tracks demos.
L’ensemble de son travail dégage une énergie et une liberté que beaucoup de musiciens ou compositeurs avérés pourraient envier…et ce, à mon sens, pour deux raisons : un travail construit à une échelle beaucoup plus étendue, qui touche à la fois la musique, la littérature, le cinéma et les arts plastiques ; et une démarche qui se fonde toujours sur l’intime et le corps, qui ne se perd jamais dans l’abstraction ou dans une « image » de la musique.
Le sens de la respiration, du toucher, de l’instantané, du geste, sont très présents chez elle qui, après une longue formation de pianiste, fut plus tardivement violoncelliste, et en a gardé une approche extrêmement directe de l’instrument et du son. Un travail parfois à l’arraché, qui ne s’embarrasse pas de la technique ou du beau son. J’ai rapidement renoncé à mastériser ces enregistrements faits dans le jardin ou dans la cuisine, avec un souffle défiant toutes les lois de la prise de son, mais aussi avec l’urgence dans laquelle on ne perd pas une demi-heure à choisir un micro.
Depuis quatre ans, une relation intense a vu le jour entre cette artiste et la revue, et j’avais depuis longtemps déjà formé le projet de réaliser ce hors série, emblématique de Pandore : traverser et sentir clairement la « partie audible » de l’œuvre d’une artiste, entendre les tenants et les aboutissants d’un iceberg infiniment plus large. Voici des pièces qui existent toujours absolument par elles-mêmes, sans aucune concession, à la fois fragiles, risquées, intimes et singulières.
Thierry Fournier, avril 2003