« elle me dit… » 2 – Texte de Juliette Fontaine – 1999
1.
Elle me dit:
_ » l’errance n’est pas une promenade légère main un égarement, une perte de soi-même. on est à la recherche du lieu recevable, celui qui peut être habitable pour soi. exil parfois immobile, sans rapport avec la flânerie. exil comme imposé auquel tu succombes sans savoir pourquoi, jetée hors de toi-même. il ne conduit nulle part, mais tu vagabondes encore, avec persévérance ».
Elle regarde ses mains.
2.
Elle me dit:
_ » il y a une curieuse sensation de plaisir parfois dans l’errance, dans ce non-attachement, dans cette fluctuation permanente de l’être, dans le doute, car pourquoi finalement ne pas être heureuse dans l’incertitude? »
Elle cache un sourire sous ses mains.
3.
Elle me dit:
_ » n’es-tu pas devenue l’espace intermédiaire lui-même, la frontière où tu erres, en tentant toujours de relier les lieux du monde et le lieu de ton être, celui de l’intimité? pour accéder au lieu singulier et habitable, ne dérives-tu pas vers le dehors?… »
Elle repose ses mains sur ses genoux.
Elle ajoute:
– » et l’art de la fugue? »
Elle noue maintenant ses mains dans un mouvement très doux.